Quel est l'impact de la pornographie sur notre sexualité ?

November 20, 2025
Sexualité

La pornographie n’a jamais été aussi présente dans nos vies. En quelques secondes, n’importe qui peut accéder à des milliers de vidéos, à n’importe quelle heure, depuis n’importe quel écran. Et même si la France a récemment restreint l’accès aux grands sites américains, la consommation, elle, ne faiblit pas. C’est aussi ce que montre le questionnaire mené auprès de mon audience : VPN, navigateurs anonymes, sites alternatifs… la majorité n’a rien changé, ou a même augmenté sa consommation.

Ce paradoxe n’est pas anodin. Comme le rappelle María Hernández-Mora Ruiz del Castillo, psychologue clinicienne et spécialiste de l’addiction à la pornographie, l’exposition répétée aux contenus pornographiques n’est jamais neutre. Elle façonne nos représentations, influence notre excitation sexuelle, crée des automatismes et réorganise nos attentes — souvent sans que nous en ayons conscience.

Alors si le porno reste aussi central malgré les blocages, qu’est-ce que cela dit de notre rapport au désir ? Au plaisir ? À nos partenaires ?

Derrière les images, il y a des modèles, des scénarios, des réflexes. Ils s’inscrivent dans nos corps, dans nos relations, dans nos imaginaires. Les comprendre, c’est déjà reprendre un peu de pouvoir sur notre sexualité — et ouvrir la porte à une façon plus consciente, plus libre, plus humaine de vivre le plaisir.

La première éducation sexuelle : comment les images pornographiques sculptent nos désirs

Exposition précoce : un choc fondateur

Dès l’adolescence — entre 12 et 16 ans — de nombreux jeunes se retrouvent face à des contenus pornographiques, souvent sans préparation, sans éducation, et parfois par accident.

Selon une étude de l'ARCOM(1), plus de 2,3 millions de mineurs fréquentent chaque mois des sites « adultes », et dès l’âge de 12 ans, « plus de la moitié des garçons se rendent en moyenne chaque mois sur ces sites ».

Cette exposition précoce agit comme un choc premier : des images s’imposent, qui structurent tôt une vision de la sexualité et du désir.

Les premières fois ne sont pas anodines. Elles s’accompagnent souvent d’un mélange de curiosité, de honte, de frisson d’interdit. Voici deux retours d'expériences de personnes qui ont répondu à notre enquête à propos de la première expérience avec la pornographie :

« 16 ans… c’était de la curiosité, je le vivais comme quelque chose d’interdit, mais addictif » [Femme, 25-34 ans]

« À 16 ans. L’impression de faire quelque chose de honteux et d’interdit en regardant, mais beaucoup de curiosité. » [Homme, 35-44 ans]

Ce sentiment d’interdit, combiné à la fascination, installe une ambivalence dangereuse : d’un côté la découverte, de l’autre un mécanisme d’imitation et d’enfermement dans un modèle préfabriqué. Et très vite, ces images deviennent des repères involontaires — des “scripts” sexuels avant même d’avoir vécu de vrais rapports.

Comment se construisent nos fantasmes ?

Nos fantasmes ne naissent pas dans un vide : ils se tissent à la croisée de l’influence culturelle, sociale et familiale. Selon un article paru dans La Revue Française Psychosomatique(2), l’auteur Dominique Scarfone décrit dans “Fantasme et processus de fantasmatisation” comment les fantasmes émergent via un processus complexe, incorporant des images, des affects, des représentations corporelles et des projections de désir.

Dans le contexte pornographique, ces images deviennent rapidement des repères. Le porno ne se contente pas de proposer des actes sexuels : il propose un scénario, une mise en scène, un modèle de “ce que doit être le sexe”. Il devient norme : norme de performances, d’apparence, d’attente. 

Et particulièrement pour les jeunes hommes : le groupe de pairs, les blagues, l’accès libre au porno deviennent un terrain d’apprentissage informel, souvent sans encadrement, qui façonne l’idée de la virilité, du désir et de la domination.

Dans notre questionnaire, on voit ce glissement subtil :

« 13 ans… j’ai cru que c’était la réalité mais pas du tout » [Homme, 35-44 ans]

Ce récit montre comment l’exposition à un âge déjà vulnérable laisse un sillon durable : des fantasmes construits non pas en lien avec notre propre désir mais avec ce que les images “nous disent” d’être le désir.

Les attentes sexuelles biaisées dès le départ

Quand le porno devient éducation, les attentes se construisent sur des bases faussées. On y voit :

  • des performances sexuelles irréalistes (durée, intensité, variété des actes) ;
  • un plaisir sexuel centré sur l’homme, l’homme en tant qu’acteur principal, avec fin de scénario souvent l'éjaculation masculine ;
  • le mythe de “la femme toujours disponible, toujours excitée”, prête à tout, sans inhibition.

Cette construction biaisée des attentes impacte particulièrement les jeunes filles, souvent exposées tôt et moins encadrées dans leur réception des images : pression sur le corps, impression d’être “vue” avant d’être désirante, rapport à l’acte sexuel déjà chargé de normes. On le perçoit dans ce témoignage :

« 14 ans… je me sentais excitée mais je ne savais pas ce que je regardais. » [Femme, 35-44 ans]

Le résultat : quand arrive la réalité d’un rapport sexuel, beaucoup se heurtent à un fossé entre ce qu’ils ont vu/entendu et ce qu’ils vivent. Cela crée des attentes qui ne tiennent pas compte du désir réel, de la lenteur, de la communication, du consentement. 

Le porno impose un modèle ; la sexualité réelle exige adaptation, écoute, vulnérabilité. Or, avec des attentes construites sur le spectaculaire, la comparaison est rude et la connexion fragile.

L’impact de la pornographie sur les comportements sexuels et les relations de couple

Les films pornographiques comme scripts sexuels

La plupart des gens pensent “regarder du porno sans que ça n’ait d’impact”. En réalité, la recherche montre l’inverse. La pornographie mainstream fonctionne comme un manuel comportemental qui propose des scénarios prêts-à-l’emploi : positions, intensité, domination, absence d’affect, érotisation de la violence.

Comme le décrit María Hernández-Mora dans son rapport(3), la pornographie constitue un véritable apprentissage sensoriel :

  • attention hyper-focalisée,
  • engagement corporel (masturbation),
  • récompense immédiate (orgasme).

Ces trois éléments créent une consolidation mnésique puissante, ancrant ce qui est vu comme une référence sexuelle. C’est ce qu’elle appelle un “apprentissage pornographique”. Les neurones miroir renforcent même l’identification aux acteurs (Mouras et al., 2008)(4).

Ce phénomène apparaît dans notre questionnaire :

  • « J’ai cru que c’était la réalité mais pas du tout » [Questionnaire – Homme, 35-44 ans].
  • « L'impression de faire quelque chose d’interdit mais beaucoup de curiosité… puis l’envie de recommencer » [Questionnaire – Homme, 35-44 ans].

Ces phrases sont typiques de ce que la recherche décrit comme la confusion entre sexualité réelle et sexualité pornographique chez les adolescents : le porno devient la norme centrale, le cadre de référence implicite.

Influence sur les pratiques réelles

Ce phénomène entraîne une reproduction quasi automatique de ce qui est vu :

  • recherche de rapports plus intenses, plus rapides, plus centrés sur la pénétration,
  • mise en scène de rapports de domination,
  • normalisation des pratiques douloureuses ou violentes (fessées, gifles, étranglements),
  • croyance que ces comportements sont souhaités et désirés.

Les analyses de contenu montrent que 45% à 88% des vidéos mainstream contiennent des violences envers les femmes(5).

Hernández-Mora parle d’une “érotisation de la violence” et d’une “dissociation entre sexualité, lien et réciprocité”, notamment chez ceux qui consomment depuis tôt.

Dans notre questionnaire, ce glissement se repère dans les témoignages de dépendance à la stimulation :

  • « Oui, beaucoup » (à la question : la pornographie influence-t-elle votre sexualité ?) [Homme, 35-44 ans].
  • « Excitation… puis envie de recommencer » [Homme, 35-44 ans].

La littérature parle ici d’escalade, de tolérance, et parfois de perte de sensibilité, conduisant à une sexualité dissociée ou mécanisée (6).

déconnexion émotionnelle à cause de la pornographie

Effets sur les relations de couple

L’usage régulier de pornographie modifie la manière d’aborder l’intimité à deux. La sexualité, lorsqu’elle est filtrée uniquement par des représentations pornographiques, produit plusieurs effets bien documentés.

Déconnexion émotionnelle

Hernández-Mora insiste sur la rupture entre sexualité et affect dans le porno mainstream. Cette déconnexion influence ensuite les rapports réels :

  • moins de présence,
  • difficulté à ressentir,
  • difficulté à co-construire le rythme ou l'intensité.

Certains témoignages du questionnaire expriment ce décalage :

  • « On regarde autant qu’avant, mais ça influence un peu » [Homme 55-64 ans].
  • « Un peu, mais je ne sais pas vraiment comment » [Homme, 45-54 ans].

Le flou dans ces réponses illustre justement ce que décrivent les cliniciens : l’impact est souvent diffus, silencieux, mais profond.

Pression sur la performance

Dans la pornographie :

  • aucune difficulté érectile,
  • aucune lenteur,
  • aucun consentement négocié,
  • aucun temps mort,
  • aucune vulnérabilité.

Pour beaucoup, cela devient une norme inconsciente.

Cette pression ressort dans les réponses du questionnaire, notamment chez les hommes ayant exprimé une dépendance ou une forte influence du porno sur leurs désirs.

“Être en compétition” avec le porno

De nombreuses femmes consultées par les sexologues rapportent que leur partenaire “attend la même énergie, les mêmes réactions, la même disponibilité”. Et beaucoup d’hommes expriment eux-mêmes l’idée qu’ils doivent “être à la hauteur”.

Les répondants ne le formulent pas explicitement, mais on lit des signes de comparaison implicite :

  • « J’ai cru que c’était la réalité » [Homme, 35-44 ans].
  • « Sexualité machiste » [Homme, 65 ans et +].

Ces réponses montrent que l’image pornographique sert de référence — pour ce que le sexe “devrait” être.

Comparaison des corps, baisse du désir, frustration

Ces mécanismes sont bien documentés dans la littérature (8).

Comparaison des corps → baisse de l’estime → baisse du désir → frustration.

Hernández-Mora note que les adolescents et jeunes adultes consommateurs réguliers présentent :

  • hyper-focalisation visuelle,
  • attentes irréalistes,
  • incapacité à s’engager dans une sexualité “normale” sans stimuli extrême.

Plaisir sexuel vs performance : le piège

Au fil du temps, une partie des consommateurs développe une dissociation entre leur excitation et l’intimité réelle.

La sexualité devient un exercice, une chorégraphie, un test de performance.

Le rapport sexuel vécu comme un devoir

La pornographie produit :

  • un rythme uniforme,
  • une intensité forcée,
  • une logique “phallocentrée” où tout converge vers l’éjaculation masculine.

Cette dynamique se retrouve dans plusieurs témoignages indirects du questionnaire, notamment ceux qui associent la sexualité à des habitudes ancrées par l’usage intensif de porno.

Dysfonctions érectiles liées à la consommation excessive

Les études sont claires :

L’usage compulsif de vidéos pornographique augmente le risque de :

  • difficultés érectiles,
  • baisse de sensibilité,
  • incapacité à maintenir une excitation sans support visuel (9).

Dans notre questionnaire, plusieurs répondants admettent une influence forte :

  • « Oui, beaucoup » [Homme, 35-44 ans].
  • « Un peu, sans savoir précisément » [plusieurs réponses].

Ce flou ressentit (“ça influence, mais je ne sais pas comment”) est un indicateur fort de conditionnement inconscient.

Excitation sexuelle conditionnée par les vidéos

C’est l’un des points centraux du rapport :

La pornographie conditionne l’excitation à des stimuli externes, souvent extrêmes, impossibles à reproduire dans la réalité.

Elle crée une dépendance au visuel, au “clic suivant”, à la sur-stimulation.

Hernández-Mora parle même d’un “formatage neurobiologique” chez les consommateurs précoces (désensibilisation, craving, dissociation).

Dans notre questionnaire :

  • plusieurs personnes disent regarder “autant qu’avant”,
  • certains ont même augmenté leur consommation depuis le blocage,
  • ce qui montre une difficulté à se détacher du support.

Le porno comme amplificateur des rapports de domination

La pornographie mainstream ne se contente pas de représenter le sexe : elle met en scène un rapport de force. Un rapport où l’homme agit, impose, dirige — et où la femme subit, s’adapte, performe. Cette dynamique est omniprésente. Elle ne relève pas de l’exception, mais bien de la structure même du porno dominant.

la pornographie cultive la culture du viol

Culture du viol, domination et stéréotypes raciaux

Les analyses de contenus sont sans appel :

  • 45 % des scènes contiennent une violence physique (fessées, gifles, étranglement, bâillonnement) et dans 97 % des cas la cible est une femme (6).
  • 50 % contiennent de la violence verbale (« pute », « salope »…) (10)

María Hernández-Mora montre que cette exposition répétée normalise l’emploi de la force, installe un scénario où l’insistance masculine est présentée comme désirée, et où le consentement disparaît au profit d’une logique : si elle ne dit rien, c’est qu’elle veut.

Le porno devient alors un espace où :

  • l'emprise est “sexy”,
  • la contrainte est “normale”,
  • la limite est “floue”,
  • et la résistance des femmes est soit absente, soit présentée comme un prélude au plaisir.

C’est la base même de la culture du viol : l’idée que le désir féminin doit être forcé, révélé, arraché.

Le racisme sexuel : un problème systémique

Le porno catégorise les corps racisés en leur assignant des rôles :

  • les femmes noires hypersexualisées, animalisées, proposées dans des catégories explicitement racistes ;
  • les femmes asiatiques infantilisées, soumises ;
  • les hommes noirs réduits à leur pénis, présentés comme surpuissants ;
  • les hommes arabes associés à la domination brutale.

Ces catégories ne viennent pas de nulle part : elles reproduisent les logiques coloniales, les fantasmes raciaux, et les stéréotypes de genre.

La pornographie codifie et marchandises ces fantasmes.

On parle même d’une “pornographisation de la culture” (11), qui renforce les attitudes de domination déjà présentes dans la société.

Les jeunes garçons socialisés par ces normes

Là où cela devient critique, c’est chez les adolescents.

L’ARCOM(1) montre que 51 % des garçons de 12–13 ans consultent du porno au moins une fois par mois.

Quand la sexualité est apprise avant même la possibilité d’élaborer une pensée critique, les rapports de domination sont intégrés comme naturels.

Les éducateurs cités dans le rapport le constatent clairement :

Le porno sert de référence, de langage, de boussole.

Le porno ne prône pas l’égalité du plaisir

Dans la pornographie mainstream, le plaisir n’est pas une expérience partagée : c’est une trajectoire masculine.

L’orgasme masculin comme finalité

La grande majorité des vidéos sont centrées sur :

  • le pénis en érection comme “acteur principal”,
  • l’éjaculation comme point final,
  • l’absence totale de lenteur ou de réciprocité.

Les femmes comme support d’excitation

La recherche montre que les femmes sont réduites à :

  • des positions,
  • des trous,
  • des sons amplifiés,
  • un rôle d’objet “utile” à la jouissance masculine (12).

La jouissance féminine est :

  • simulée,
  • exagérée,
  • ou totalement absente.

Mécaniquement, cela renforce l’idée que le plaisir féminin est secondaire, accessoire, ou artificiel.

Les hommes et les femmes face aux mêmes images : deux réalités différentes

Les études sur les effets du porno montrent que les mêmes images ne produisent pas les mêmes impacts, selon le genre, l’origine ou l’orientation sexuelle.

Chez les hommes : la domination comme norme de virilité

Le porno construit une virilité basée sur :

  • la puissance,
  • la performance,
  • la prise de contrôle,
  • la conquête,
  • la résistance à toute émotion.

Chez les femmes : objectification, injonctions et risques psychiques

L’exposition précoce conduit les jeunes filles à :

  • accepter des actes douloureux par conformité,
  • se sentir obligées d'être performantes,
  • intérioriser la domination comme “sexy”,
  • développer anxiété, honte, comparaison corporelle, baisse de désir.
l'influence de la pornographie sur notre cerveau

Pourquoi la même sexualité ne peut pas être vécue par tout le monde

La sexualité n’est pas un terrain neutre.

La pornographie, elle, uniformise, catégorise, fige.

Une femme blanche, une femme noire, un homme gay, un homme hétéro, une personne racisée, une personne trans, n’occupent pas les mêmes places dans la société.

La pornographie :

  • renforce ces hiérarchies,
  • intensifie les oppressions,
  • capitalise sur les inégalités.

C’est là que la critique politique devient indispensable :

Le porno mainstream est un produit capitaliste.

Il vend :

  • des catégories,
  • des clichés,
  • des fantasmes raciaux,
  • des scénarios de domination,
  • des corps interchangeables.

Il ne cherche pas la vérité du désir :

Il cherche ce qui se vend.

Et ce qui se vend le mieux, ce sont :

  • la domination,
  • la performance,
  • la violence “esthétisée”,
  • l’hypersexualisation des corps racisés,
  • les stéréotypes de genre et de classe.

En d’autres termes :

Le porno ne reflète pas les rapports de domination. Il les amplifie.

Il ne neutralise pas les oppressions. Il les transforme en divertissement.

Il ne libère pas la sexualité. Il la standardise pour qu’elle reste rentable.

Les effets de la pornographie sur la santé sexuelle et mentale

La pornographie n’agit pas seulement sur nos fantasmes ou nos pratiques : elle transforme aussi la manière dont on vit notre corps, nos relations et notre désir. Ses effets sont souvent silencieux, progressifs, mais profonds. Ils s’observent chez les jeunes, chez les adultes, chez les couples stables comme chez les célibataires. Les données scientifiques sont claires : la pornographie mainstream hyperstimule, déforme, et conditionne.

Sur la santé mentale

Anxiété de performance

L’un des effets les plus documentés est l’augmentation de l’angoisse liée à la performance sexuelle.

Dans le porno :

  • les hommes ne débandent jamais,
  • ne se fatiguent jamais,
  • sont toujours disponibles,
  • sont capables de pénétrations intenses et prolongées sans pause.

Pour beaucoup d’hommes, cela crée une comparaison implicite qui devient pesante.

Dépendance diffuse et compulsions

La pornographie est conçue pour créer de la répétition et de la recherche de nouveauté.

Les mécanismes neurobiologiques en jeu :

  • hyperstimulation du système de récompense,
  • altération du cortex préfrontal (régulation, inhibition),
  • craving (envie irrésistible de consommer),
  • perte de contrôle (7, 9).

Plusieurs personnes dans ton questionnaire en témoignent :

  • « Oui, j’ai ressenti une dépendance » [plusieurs hommes 35–64 ans]
  • « C’était addictif » [Femme 25–34 ans]

Cette dépendance n’est pas seulement sexuelle : elle devient émotionnelle. Beaucoup l’utilisent pour dormir, se calmer, fuir un vide ou une tension interne (3).

Isolement, déconnexion, perte du désir réel

L’exposition prolongée aux contenus hyperexcitatoires crée une dissociation :

  • excitation intense en ligne,
  • mais peu ou pas d’intérêt pour une sexualité réelle, lente, incarnée.

Hernández-Mora parle clairement d’une “déconnexion spatio-temporelle” lors de la consommation, qui fragilise la capacité à ressentir l’autre.

Sur la santé sexuelle

Dysfonctions érectiles induites par la pornographie

C’est un phénomène massif, mais tabou.

Plus les vidéos sont :

  • rapides,
  • violentes,
  • multiples,
  • variées,
  • accessibles,

…plus le corps s’habitue à un niveau de stimulation impossible à retrouver dans une relation réelle.

Résultat :

  • perte d’érection avec une partenaire,
  • besoin d’images de plus en plus extrêmes pour s’exciter,
  • difficulté à maintenir la présence émotionnelle durant l’acte.

C’est exactement ce que documentent les études en neurobiologie sexuelle (13).

Fausses croyances sur les IST / MST

Le porno ne montre presque jamais :

  • l’usage du préservatif,
  • la communication sur la protection,
  • les conséquences des pratiques à risque.

Les scénarios répétés donnent l’illusion que :

  • “tout est naturel”,
  • les rapports non protégés sont la norme,
  • les IST concernent “les autres”.

Hernández-Mora explique que cette absence totale de sexualité responsable crée des distorsions profondes dans la psychologie des mineurs.

Normalisation d’actes non protégés → risques d’IST

Dans un monde où 95 % des vidéos montrent des actes non protégés, les jeunes perçoivent la protection comme facultative, voire gênante.

Notre questionnaire montre un autre phénomène :

Comme certains ont commencé par des magazines, des films ou Internet très tôt, les pratiques observées ont créé un modèle implicite.

  • « Sexualité machiste » [Homme 65+ ans]
  • « J’ai cru que c’était la réalité » [Homme 35–44 ans]

Le porno, en invisibilisant les risques, augmente mécaniquement la probabilité de comportements non protégés, surtout chez les adolescents.

Lien entre porno, hyperstimulation et baisse de libido

Plus la stimulation externe est extrême,

moins la stimulation réelle est suffisante.

C’est un mécanisme simple :

  1. le cerveau s’habitue,
  2. il tolère,
  3. il réclame toujours plus,
  4. le désir réel diminue.

C’est exactement ce que décrit Hernandez-Mora :

une escalade vers des contenus “trash”, violents, toujours plus intenses.

À long terme : conséquences invisibles mais profondes

Effritement de l’intimité dans le couple

Quand l’excitation repose sur des stimuli externes :

  • l'autre devient secondaire,
  • l’imaginaire se dissocie de la relation,
  • la présence émotionnelle s’efface.

Certaines réponses l’expriment indirectement :

  • « Motivation à explorer d’autres formes de plaisir » [Homme 55–64 ans, Homme 45–54 ans].

Souvent, cela signifie : je ne ressens plus la même chose qu’avant.

Réduction du plaisir sexuel réel

Le porno introduit une idée toxique :

le sexe doit être intense, rapide, spectaculaire.

Dans la réalité :

  • le plaisir est subtil,
  • lent,
  • émotionnel,
  • sensoriel,
  • non linéaire.

La comparaison détruit ce rythme naturel.

Moins de sensations, plus de mécanisation

Hernández-Mora parle d’une sexualité « outillée », déconnectée de l’affect et de la réciprocité.

On suit un script.

On répète.

On “fait”.

On performe.

On coche des cases.

Le risque final :

  • moins de profondeur,
  • moins de ressenti,
  • moins d’érotisme,
  • moins de spontanéité.

Et au bout de cette chaîne :

une sexualité qui existe, mais qui ne nourrit plus.

Restriction du porno en France (juin 2025) : ce que ton sondage révèle vraiment

En juin 2025, la France a durci l’accès aux sites pornographiques : vérification d’âge obligatoire, blocages massifs, disparition de plateformes américaines emblématiques. L’objectif affiché est clair : protéger les mineurs, à un moment où près d’un adolescent sur deux de 12–13 ans consulte déjà du porno chaque mois(1).

D’autres pays ont tenté des approches similaires, avec le même constat : quand la porte se ferme, les usages se déplacent.

Ce qui se passe réellement

Dans la réalité, la restriction n’a pas entraîné le recul massif qu’on pouvait imaginer. La grande majorité des personnes interrogées expliquent ne pas avoir diminué leur consommation : “je regarde autant qu’avant”, revient sans cesse, souvent formulé très simplement. Beaucoup ont contourné le blocage via un VPN, Tor, ou en se tournant vers des sites non soumis à la vérification. Certains citent même une augmentation de consommation, comme cet homme de 25–34 ans qui explique avoir “même augmenté” depuis la fermeture.

Pour une minorité, cette transition a été l’occasion d’un changement plus profond : arrêt total, réduction volontaire, ou exploration d’autres pratiques comme l’érotisme audio, la lecture, ou la masturbation sans support visuel. Plusieurs personnes parlent même de “motivation à explorer d’autres formes de plaisir”, signe qu’un autre rapport à la sexualité est possible lorsque le réflexe pornographique se fissure.

Une culture, pas seulement une habitude

Ces résultats montrent une chose essentielle : la pornographie n’est pas juste un divertissement, c’est une culture entière, un imaginaire collectif profondément intégré.

Bloquer des sites ne suffit pas à changer les comportements — parce que les comportements reposent sur des normes, des croyances et une éducation sexuelle souvent inexistante.

La technologie peut freiner l’accès, mais seule une transformation culturelle pourra véritablement changer notre rapport au désir, au plaisir et à l’intimité.

Comment se réapproprier son désir ? Vers une sexualité plus consciente

Sortir des automatismes pornographiques

La première étape consiste à remettre en question ce que l’on croit “normal” dans les rapports sexuels. Beaucoup de comportements que l’on reproduit machinalement viennent directement des vidéos visionnées plus jeunes : le rythme, l’intensité, les positions, ou cette idée qu’il faut toujours “performer”. Revenir à soi demande un peu d’honnêteté : qu’est-ce qui m’appartient vraiment, et qu’est-ce qui vient du porno ?

Plusieurs personnes ayant répondu à mon questionnaire l’ont fait instinctivement. Certaines ont réduit leur consommation après la restriction des sites en France, d’autres ont arrêté totalement, souvent avec cette envie “d’explorer d’autres formes de plaisir”, ou de retrouver une excitation qui ne dépend pas d’un écran.

Sortir de l’automatisme, c’est revenir au corps :

respirer, ralentir, bouger, sentir.

L’activité physique, la pleine conscience et la lenteur rééduquent le système nerveux à ressentir du plaisir sans hyperstimulation.

se réapproprier sa sexualité

Retrouver une connexion réelle dans les relations de couple

Une sexualité plus consciente passe par une parole plus simple et plus honnête.

Dire ce qu’on aime, ce qu’on n’aime pas, ce qui rassure, ce qui trouble.

Redonner une place claire au consentement, ce n’est pas enlever du désir : c’est créer un espace où il peut circuler sans pression.

Plusieurs témoignages parlent d’un décalage entre le porno et la réalité : baisse du désir, frustration, impression de “jouer un rôle”. Revenir à l’intime, c’est réapprendre à être présent, à écouter, à partager le plaisir plutôt que la performance.

Alternatives aux contenus pornographiques

Se réapproprier son désir ne signifie pas “arrêter toute stimulation”.

Cela veut dire choisir ce que l’on consomme.

Des pistes possibles :

– l’érotisme audio ou littéraire, plus axé sur l’imaginaire ;

– la pornographie éthique, centrée sur la réciprocité et l’égalité ;

– la masturbation sans support visuel, que plusieurs répondants ont adoptée naturellement ;

– une éducation sexuelle adulte, pour comprendre vraiment comment fonctionne le désir.

Ce qu’on recherche au fond, ce n’est pas moins de plaisir.

C’est un plaisir qui nous ressemble.

Reprendre le pouvoir sur nos imaginaires sexuels

Le porno ne va pas disparaître. Il fait partie de notre époque, de nos écrans, de nos conversations, de nos habitudes parfois tellement anciennes qu’on les confond avec du “naturel”. Mais ce n’est pas parce qu’il existe qu’il doit décider à notre place. On peut choisir la place qu’on lui donne, la manière dont il influence nos relations sexuelles, notre plaisir, notre santé mentale et la façon dont on regarde les autres — femme, homme, partenaire, inconnu·e, ou même soi-même.

Reprendre le pouvoir, c’est déjà reconnaître qu’il y a un imaginaire qui s’est construit sans nous, parfois contre nous. C’est accepter de regarder ce qui, dans nos pratiques, nos attentes et nos fantasmes, a été largement modelé par des milliers d’images pensées pour la performance, la rentabilité et la domination. C’est un pas courageux, mais essentiel si l’on veut vivre une sexualité qui ressemble enfin à ce qu’on souhaite vraiment.

Et cette prise de conscience n’est pas seulement intime : elle est collective.

Elle concerne les hommes, les femmes, les jeunes adultes, les couples installés, les célibataires, ceux qui se questionnent, ceux qui doutent, ceux qui ont grandi dans la pornographie et ceux qui cherchent à s’en éloigner. Personne n’est “hors du sujet”.

Reprendre le pouvoir sur nos imaginaires sexuels, c’est réapprendre à sentir.

À écouter son corps, ses envies, ses limites.

À rencontrer l’autre sans scénario imposé.

À construire un désir qui nous appartient vraiment.

C’est une invitation.

À réfléchir, doucement.

À s'observer sans jugement.

À avancer avec curiosité, bienveillance et responsabilité.

Parce que la sexualité mérite mieux qu’un copier-coller.

Elle mérite qu’on y mette de la conscience, du choix, et surtout du vivant.



Restez curieux ⭐️

Devenez épanouis 💜

Sources :

1 - Étude Arcom - Fréquentation des sites adultes par les jeunes

2 -  La Revue Française Psychosomatique - Fantasme et processus de fantasmation

3 - María Hernández-Mora 2025, La pornographie constitue un véritable apprentissage sensoriel

4 - Mouras, H., 2008, Activation of mirror-neuron system by erotic video clips predicts degree of induced erection

6  - Fritz et al., 2020 ; A Descriptive Analysis of the Types, Targets, and Relative Frequency of Aggression in Mainstream Pornography

7 - Kühn & Gallinat, 2014, Brain Structure and Functional Connectivity Associated With Pornography Consumption

8 - Peter & Valkenburg, 2016, Adolescents and Pornography: A Review of 20 Years of Research

9 - Seok & Sohn, 2015, Neural Substrates of Sexual Desire in Individuals with Problematic Hypersexual Behavior

10 - Bridges et al., 2010, Aggression and sexual behavior in best-selling pornography videos: a content analysis update

11 - Poulin & Laprade, 2006, Hypersexualisation, érotisation et pornographie chez les jeunes

12 - Kunert, 2014 ; Hernandez-Mora, 2025, Les métadiscours pornographiques

13 - White, 2019, Internet Pornography: Addiction or Sexual Dysfunction?

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